Titre : L'ENFANT, L'ÉTOILEMENT
Autrice : Claire PONCEAU
Photographe : France DUBOIS
Objet littéraire non identifié (collection O. L. N. I.)
148 pages
130 x 200 mm
ISBN : 978-2-930710-20-4
Date de parution : mars 2020
Prix : 20 EUR
Le livre
L’ENFANT, L’ÉTOILEMENT est le nouvel objet littéraire non identifié de Claire PONCEAU. Après Adélaïde-paysage, puzzle narratif en 24 livrets et une carte, publié en 2015 chez éléments de langage, qui avait fait sensation aussi bien par sa forme graphique que par son écriture audacieuse, l’autrice nous revient avec un texte étonnant et détonnant sur la maternité.
Lectrice, lecteur, ne perdez pas toute espérance mais seulement vos illusions. Ici, point de romantisme ou de niaiseries de jeunes mères comblées mais une composition littéraire de haute volée mêlant fiction (le mouvement intitulé AVANT), notes d’impact comme prises sur le vif de l’enfantement (le mouvement intitulé UNE SEMAINE, UN JOUR) et réflexion post-naissance qui vient éclairer sous un angle nouveau la fiction que nous venons de lire (le mouvement intitulé DEPUIS) et qui changera votre vision de l’arrivée d’un humain dans le monde. S’il est sans concession, le récit proposé n’en est pas moins sensible et il relie par sa narratrice trois générations de femmes (la mère, la fille devenue mère et son enfant).
L’étoilement est à la fois une fêlure, comme un jet de pierre étoilant une vitre, et un rayonnement, comme un ciel s’illuminant étoile par étoile. L’arrivée d’un enfant produit cet effet.
Le mot de l'autrice
Exploration de la maternité, questionnement ludique et grave de ce qu'est concevoir un enfant en trois temps :
Avant (une fiction)
Une semaine, un jour (notes d'impact)
Depuis (magnitude).
Ce sont aussi trois moments qui font jouer le départ entre l'enfant narré (un petit garçon) et l'enfant vécu (une petite fille) : la fiction d'un enfant qui n'est pas ; les premiers jours de l'enfant ; l'enfance vécue.
Pour rendre compte de cette traversée, l'écriture adopte trois modes différents : la narration, l'aphorisme ou la note, l'analogie.
Adélaïde-paysage induisait via le fait de la carte l'idée d'orientations et de lignes transversales entre les 24 récits. Ici, au delà de la composition assumée en trois chapitres, c'est la figure de la métaphore qui provoque un nouvel ordre du texte. Cette métaphore de l'étoilement apparaît sous diverses espèces et avatars au fil du livre.
A l'origine du livre, il y a une impulsion d'écriture qualifiable d'autobiographie : un désir d'enfant, une quinzaine d'années auparavant. Un enfant qui n'a pas lieu se conçoit en fiction. J'écris une grossesse, un enfantement, une mère que je ne suis pas.
Des années plus tard, le texte prend forme quand je lui trouve une forme, c'est-à-dire une nécessité d'ordre littéraire, cela après la naissance de ma fille. Je tiens alors à écrire la conflagration entre cette fiction d'enfant rêvée et le séisme de l'enfant sur ma vie, pour cela je décèle dans la première écriture une image féconde, celle de l'étoilement, qui dit aussi bien un impact unique qu'une myriade et ses éclats. Forte – ou fragilisée – de l'expérience réelle de l'enfant dans ma vie, j'y vois l'image de ce qu'est un enfant dans une vie.
L'enfant, l'étoilement rend bien moins compte d'une vérité autobiographique – sur laquelle tout lecteur est pleinement en droit de se méprendre du fait des dédicataires du livre – qu'il ne porte une vérité métaphorique.
Une fois découvertes la figure de l'étoilement et ses variations, toiles, tissus, brisures, peaux, constellations, le travail d'écriture a pris un autre tour. Il fallait encore davantage en intriquer le texte. Il fallait en assumer le motif, le tisser de manière à le rendre non pas évident, mais simplement lisible.
C'est poussée par cette nouvelle nécessité du texte, j'entends la nécessité métaphorique, que la narration s'est fendillée vers ma vie propre, J'ai accepté d'élonger dans l'écriture mon intime : ma fille, ma mère morte, mais en l'incorporant à la condition qu'il nourrissait ce réseau d'images.
De cette manière, le texte devient un massif, d'où se distinguent certainement trois couleurs tranchées, mais dont les dessins les placent en familiarité.
Même distinctes dans leurs tons et leurs propos et leurs points de vue, ces trois parties font corps, car elles racontent justement l'histoire d'un corps qui a pensé un enfant, d'un corps qui en a été traversé et d'un corps qui vit désormais aux côtés d'une enfant.
La différence dans leurs longueurs donne à voir le temps loisible à l'écriture en fonction de ces trois situations : rendre flagrant ce temps qui n'est plus quand l'enfant n'est plus une fiction. D'où la nette brièveté de la deuxième partie.
Cette volonté de jouer sur les représentations et la réalité commande aussi les incursions souvent sarcastiques et attendries dans la première partie, comme des avertissements aux rêveurs : un enfant, c'est le principe de réalité absolue. En cela, le livre cherche à donner voie à des situations, des expériences trop peu souvent décrites ou racontées sur le mode littéraire : les harassements et les sidérations à rencontrer un enfant que l'on dit sien. Il confronte également la mère inventée de la première partie et le devenir-mère constant qu'impose la croissance d'un enfant bien réel, grandissant.
Le texte, je l'espère de bien des manières, saura parler à celles et ceux qui ont connu le désir d'enfant et le délire de ce qu'impose son arrivée. Il m'importe que les lectrices et lecteurs y entendent la tendresse profonde que j'éprouve pour nous qui avons embrassé ce dérèglement de nos cosmos privés, provoqué par ces étrangers que l'on nomme nos enfants.
L’autrice
Née dans le Finistère-Sud en 1976, Claire PONCEAU est agrégée de Lettres Classiques. Après trois ans passés à Helsinki, elle vit et travaille actuellement en Belgique. Les éditions éléments de langage publient en 2015 Adélaïde-paysage. Y est associée une carte et un projet artistique (terramentis.eu).
Contact : claireponceau@terramentis.eu
La photographe
France DUBOIS est une photographe belge. Son travail parcourt sans relâche les territoires de l'intime. Entre rêve et réalité, visible et invisible, la frontière est infime, presque transparente, comme un fil tendu entre deux univers. Un rien peut faire basculer les individus sur l'autre rive, dans d’autres mondes. En mettant en images les fluctuations de nos vies, elle explore notre capacité à transcender nos fêlures. La disparition y est plus douce entourée de lumière, la maladie devient œuvre d'art, la mélancolie se transforme en pure énergie, moteur de la créativité. Les photographies reprises dans L’ENFANT, L’ÉTOILEMENT sont tirées de la série Motherhood.
Extrait
J’ai eu un enfant. Cela, je l’ai entendu de gens. Tous étaient normaux et disaient : j’ai un enfant. Pour moi, il y a eu un enfant. Il est resté le temps qui lui était nécessaire pour partir. Il n’a plus été là et j’avais de ses nouvelles. Il essayait de faire les choses comme il faut. Cet enfant a habité avec moi presque vingt ans. Et il ne fut jamais mien car à aucun moment je n’aurais voulu pareille chose.
Je lui donnais à manger et lui achetais des vêtements, quand il avait chaud, je lui ôtais son pull. Je ne griffais pas son crâne. Je lisais des histoires et l’embrassais pour qu’enfin il pût se reposer et partir seul dans le noir, sans crainte. Je lui tendais des gestes comme des caresses se donnent, il prenait. Quand il avait froid je remontais la couverture, jamais trop haut. Je ne l’étouffais pas.
Je faisais comme il faut quand dans la maison quelqu’un a besoin d’aide pour ne pas mourir. C’était comme cela que je pouvais être une mère, dans la discrétion. Si j’avais eu un enfant, le risque aurait été de le tuer, puisqu’il aurait été à moi. C’est une chose que j’avais apprise très tôt.
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